Je n'étais pas prête pour ça.
Oh bien sûr, je savais que les bébés, ça se réveillaient la nuit. Je savais aussi que la job de nouveaux parents venait immanquablement avec un manque de sommeil. Mais je n'étais pas prête pour ÇA. La complexité, la fragilité, le MYSTÈRE du sommeil des bébés! Et surtout la surinformation, la désinformation et les opinions et jugements de tous sur le sujet! (Ouf!) Pour être bien honnête, quand j'étais enceinte, j'avais beaucoup de difficulté à lire quoi que ce soit sur les bébés. J'ai lu énormément sur la grossesse et sur l'accouchement, mais dès qu'il était question de quoi-faire-avec-un-vrai-petit-bébé, je trouvais cela encore lointain et si peu concret. Je sais aussi que l’une des raisons derrière ça, c’est que j'abritais dans mon ventre un petit bébé arc-en-ciel. J’avais vécu une fausse couche quelques mois auparavant, et la peur de ne pas voir naitre mon enfant ne se cachait jamais bien loin, surtout entre les pages des beaux livres de maternité avec des photos de bébés qui dorment paisiblement. Par contre, s'il y a bien quelque chose que j'ai lu (plusieurs fois même), c'était la fameuse page web de Santé Canada sur le sommeil SÉCURITAIRE du bébé. Qui, en résumé, précise que la seule façon qu'un bébé puisse dormir sans être en danger de mort, c'est sur son dos, sans couverture, dans un moïse ou une bassinette. Pas dans un parc, pas dans un berceau fabriqué par son grand-père, pas sur le sofa, pas dans une pièce trop chaude ou trop froide, et SURTOUT pas dans le lit de ses parents. Cette page-là me donnait la chair de poule. Je ne savais pas que c'était compliqué de même, faire dormir un bébé. Évidemment, je n'avais encore rien vu. Puis tu es arrivé. Tu es né, en pleine santé. Mon petit bébé arc-en-ciel tant attendu. Et moi, je suis devenue une maman. C'était plus beau, plus grandiose et aussi plus simple que je ne l'imaginais. Tu es né le matin et tu as passé la journée à dormir dans nos bras et dans ceux de tes proches venus te rencontrer. Puis, à l'aube de notre première nuit ensemble, à la maison de naissance, on t'a déposé doucement dans le petit berceau à côté de notre lit. Je me rappelle avoir demandé à notre sage femme si tu étais bien placé dans le berceau. (Sur le dos, pas de couverture. Est-ce qu'on oubliait quelque chose? Est-ce que la température de la pièce était correcte? Est-ce qu'on passait l'inspection de Santé Canada?) Oui, oui, nous a-t-elle répondu, si vous voulez le faire dormir dans le berceau, c'est parfait! (Si on voulait? ai-je pensé, mais on n’avait pas le choix non?!) Tu as dormi comme ça, peut-être un gros 20 minutes, avant de te réveiller en pleurant. C'est normal, qu'on s'est dit, des bébés, ça se réveille la nuit! On a essayé de te réconforter, te donner du lait, te bercer, mais tu étais inconsolable, et surtout indéposable! On était épuisés et on ne savait clairement pas quoi faire. Puis, j’ai essayé de t’allaiter couchée sur le côté, dans notre lit, et tu as fini par t'endormir paisiblement, tout blotti contre moi. J'étais tellement fatiguée que c'est clair que j'ai dormi moi aussi, pourtant j'ai eu l'impression d'avoir veillé sur toi toute la nuit. Comme si je savais que collé ainsi près de moi, rien ne pouvait t'arriver, n'en déplaise à Santé Canada. Mais je me sentais quand même coupable de m’être endormie alors que tu n'étais pas sécuritairement déposé dans ton berceau. Alors la nuit suivante, de retour à la maison, nous avons réessayé de te déposer, cette fois dans le petit moïse bien sécuritaire que l'on avait acheté juste pour toi (usagé, et à bas prix, heureusement! ). Mais encore une fois, rien à faire, c'est à croire que le matelas était recouvert d'épines brûlantes! Dès que ton corps y touchait, tu te mettais à hurler. Bon d'accord! Tu voulais dormir sur nous? Parfait! On dormirait donc à tour de rôle! S’en est suivi une série de nuits un peu absurdes, où mon amoureux et moi on se relayait sur de drôles de shifts nocturnes. Pendant que l’un dormait paisiblement dans notre lit, l’autre veillait dans le salon, en regardant des séries et en mangeant des collations pendant que notre petit héritier dormait dans son lit préféré : le bedon de maman ou de papa. Évidemment, on savait bien qu’on ne tiendrait pas ce rythme très longtemps! Alors durant la journée, lorsqu'on avait les yeux un peu moins collés, on testait des choses! À un moment donné, j’ai réussi à transférer doucement petit bébé endormi à côté de moi et à simplement tenir sa main pour le réconforter. Ça fonctionnait! Petite victoire! On a donc tenté une expérience pour la nuit : on avait un 2e matelas à la maison, on l’a déposé au sol, pour ne pas que bébé puisse tomber en bas, et je me suis couché à côté de lui, dans mon sac de couchage. Pas de couette, pas d’oreiller! Ce n’était pas 100% Santé Canada proof, mais on dirait que je ne voyais pas tellement où pouvait se cacher le danger. Puis, pouf, magie! Non seulement bébé dormait mieux, mais moi aussi! Je n’avais plus à me lever pour allaiter, je pouvais simplement me rouler sur le côté, et je me rendormais super facilement! Papa pouvait ainsi dormir de plus longues heures d'affilée et il était alors plus en mesure de me relayer durant la journée pour que je puisse tenter de rattraper le sommeil manquant. Parallèlement à cela, je me suis mise à lire sur le sommeil des bébés. Comme c’est le cas quand je souhaite comprendre quelque chose de nouveau, je deviens un peu intense et je lis, beaucoup, beaucoup de choses! Au début, je tombais uniquement sur des techniques d’entraînement au sommeil (certaines un peu plus ... brutales que d’autres!) Bien que je comprenne totalement que des parents puissent utiliser ces méthodes pour diverses raisons toutes très valables, je sentais que pour moi, quelque chose clochait. Je me rappelle avoir lu un livre au ton très directif qui m'ordonnait d’attendre plusieurs longues minutes avant de prendre dans mes bras mon bébé de 8 semaines s’il hurlait dans son lit. Je pense que j’ai lancé le livre au bout de mes bras et que j’ai appelé ma mère en pleurant (j’étais encore sous l’influence des douces hormones post-partum, on ne l’oublie pas!) Mais, plus je continuais à lire, plus mon horizon s’élargissait et plus je trouvais des réponses qui faisaient écho à mon instinct de maman. D’abord, j’ai appris que je n’étais pas la première maman qui dormait collée avec son bébé. Qu’on appelait ça le cododo par chez nous, mais que dans la majorité des pays du monde, c’était tellement une pratique courante qu’il n’y avait pas de mot spécial pour cela, ça s’appelait juste le dodo. Sauf au Japon, pays où cette pratique est la norme au point où les magasins de matelas font la promotion de lits familiaux et où la poésie de leurs mots appelle cela Kawa, qui se traduirait par rivière entre les berges et qui symboliserait le petit dormant paisiblement entre ses deux parents. Et que finalement, il n’y a qu’en occident, à notre époque moderne où on avait cru bon de dédier une pièce entière à un petit bébé pour qu’il dorme loin de ses parents. (Suis-je la seule à y voir une manière de nous vendre des plus grosses maisons et des meubles et accessoires supplémentaires?) Tout cela résonnait beaucoup pour moi, car dormir avec mon bébé me semblait être la continuité naturelle de ma grossesse. Après tout, si l’on vivait tout nu dans le bois, c’est probablement ce que l’on ferait. (Ça va peut-être vous paraître étrange dit comme ça, mais lorsque quelque chose m’agace dans notre société moderne, je me demande si on agirait de la même façon si on vivait tout nu dans le bois. Bref je me demande si c’est ce que la nature a prévu pour nous.) En poursuivant mes recherches, j’ai également appris que des organismes mondiaux, tels que l’UNICEF, encouragent même le partage du lit mère-enfant, lorsque celui-ci est fait de manière sécuritaire, c’est-à-dire en suivant quelques règles de bases et en portant attention aux contre-indications. Évidemment, si cette pratique vous intéresse, je vous invite à faire vos propres recherches via des sources fiables d’information afin d’être bien renseigné sur les différentes recommandations en matière de sécurité. Pour ma part, je ne souhaite ici que partager mon expérience, parce que j’aurais sauvé bien du temps et des angoisses si j’étais tombée sur ce genre de témoignage au moment où le manque de sommeil me faisait réellement croire que quelque chose était brisé, avec moi ou avec mon bébé. Et je ne souhaite pas non plus invalider les informations disponibles sur le site de Santé Canada, je crois simplement qu’il existe d’autres vérités. Comme celle que nous sommes des mammifères avant tout. Et qu’à l’instar des autres animaux, nos petits sont programmés pour se sentir en sécurité lorsqu’ils sont à nos côtés, et ce, même (surtout!) la nuit. En effet, je ne crois pas que les mamans ourses creusent une tanière supplémentaire à côté de la leur pour faire dormir leurs bébés. Et je ne sais pas si c’est parce que j'étais encore un peu buzée aux hormones, ou parce que j’avais accouché en faisant des cris de cro-magnonne, mais j'ai senti une connexion profonde à ma nature animale quand je suis devenue maman. Et encore aujourd'hui je m'identifie davantage à la maman-ourse qu’à la maman-instagram! C’est donc avec une confiance vacillante, mais grandissante que débuta notre fabuleuse aventure de cododo. Puis, tranquillement, au fil du temps, plein de petites victoires sommeil virent complémenter les petits défis sommeil. On réorganisa notre chambre afin de pouvoir dormir ensemble tous les trois. D’abord en convertissant le lit à barreau en lit side-car (technique qui consiste à en retirer l’un des quatre côtés et à fixer la structure au lit des parents.) Puis, plus tard, en installant notre matelas au sol tout simplement pour, comme les Japonais, former les deux rives du sommeil de notre bébé. Doucement, les réveils et les tétées aux heures se transformèrent en 2 à 3 réveils par nuit (lorsque, bien sûr, il n’y a pas de poussée dentaire, de changement d’heure ou d’envie irrésistible de faire la fête à 2h du matin). Et l'on put, un jour, récupérer nos soirées d’amoureux lorsque l'on eût réussi à maîtriser le lever du ninja, soit une manière extrêmement complexe et raffinée de fausser compagnie à un bébé endormi sans le réveiller. Ensuite, les siestes dans les bras se transformèrent en siestes en poussette, siestes dans la balançoire, puis siestes-tout-seul-dans-sa-chambre-de-bébé. Elle aussi nouvellement configurée avec un matelas simple directement posé au sol, une approche préconisée par la pédagogie Montessori. Tout cela se fit progressivement, à coup de petits pas en avant et de petits pas en arrière, sans méthode, sans chronomètre et sans avoir l’impression de brusquer le rythme de notre petit mammifère adoré à l’instinct de survie bien aiguisé. Récemment, petit coco a eu 1 an et non, il ne fait toujours pas ses nuits. Mais il fait plein d’autres choses! Il marche super vite dans la neige avec ses grosses bottes, il danse en tournant sur lui-même quand il aime une chanson, il mange avec une fourchette et il boit de l’eau dans un grand verre d’adulte sans en renverser. Il est autonome, explorateur, sociable, mais oui, il a encore besoin qu’on l’aide à s’endormir. Et on ne voit vraiment pas où est le problème là-dedans. Moi je vois plutôt le problème dans l’importance surdimensionnée que l’on accorde à la capacité d’un enfant de faire ses nuits. Où plutôt, de faire des nuits d’adultes, afin que nous, adultes puissions poursuivre sans interruption notre course effrénée. Dormir mieux, travailler plus, consommer plus? Plutôt que de vivre lentement dans le moment présent, un présent dans lequel on a un petit humain à réconforter, à coller et qui nous oblige doucement à nous poser. Pour ma part, cette aventure m’a appris à faire 100% confiance à mon instinct de maman et à t'offrir ce que TOI, mon bébé, tu as réellement besoin. Parce que tu es différent du bébé de la voisine et du bébé de la madame qui a écrit le livre sur les techniques infaillibles de sommeil. Tu es un enfant curieux, sensible, colleux et tu n’affectionnes pas particulièrement le dodo parce que tu préfères la vie et ses multiples bonheurs. Et je trouve cela magnifique. On dormira quand tu seras grand, c’est tout. Laurence
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AuteureJosiane, fondatrice du repère familial, s'amuse à venir écrire des petits ou longs textes, sur des sujets variés. CollaborationDes personnes merveilleuse qui partagent un bout de leur vie, de leur cœur, avec le repère familial. Les textes l'indiquent lorsque c'est une collaboration. Archives
Septembre 2021
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